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QUELQUES RUDIMENTS D’HISTOIRE ET DE TARIFICATION DE LA CARTE POSTALE
QUELQUES RUDIMENTS D’HISTOIRE ET DE TARIFICATION DE LA CARTE POSTALE
 sujet certes un peu austère à première vue mais qui constitue un socle indispensable, me semble-t-il,  à qui veut comprendre ses cartes postales.

PREAMBULE
Pour l’administration postale, dès sa création et pour un siècle (de 1873 à 1971),  la carte postale est un produit postal spécifique taxé à un prix réduit et qui, pour cela, doit remplir certaines caractéristiques techniques que vous allons analyser succinctement.

Tout objet ne remplissant pas ces caractéristiques n’est donc pas une carte postale et doit être traité comme une lettre simple.

Ce point est primordial , notamment pour la compréhension de certaines taxation.

En effet, une taxation, quelquefois apparemment incompréhensible, est justifiée par le fait que la carte postale n’en est pas une au sens de l’administration des postes, ou à tout le moins de son représentant local.

Les caractéristiques en question ont évolué avec le temps, certaines étant simplement précisées pour lever des ambiguïtés dont ont pu jouer les usagers ou pour stimuler ou calmer le zèle de certains postiers, tous n’ayant pas la même interprétation des textes.

1  LA CREATION DE LA CARTE POSTALE DANS LE REGIME INTERIEUR

Au départ la carte postale est un objet dont l’administration postale a le monopole d’impression et de diffusion.

Sa première émission date du 15 janvier 1873 (ill. 1 et 2), bien tardivement après les autres pays européens, le précurseur étant l’empire austro-hongrois qui a autorisé la circulation de carte circulant à découvert (Correspondenz-Karte) (ill. 3 et 4) dès le 1er octobre 1869.

La tarification est de 10 ou 15 centimes (ce qui explique qu’il y ait deux modèles de cartes) selon qu’il s’agit de port local à l’intérieur d’une même ville ou dans la circonscription du même bureau ou de bureau à bureau, en France et en Algérie. Ce port était donc sensiblement inférieur à celui de la lettre, puisque le tarif en vigueur du 1er septembre 1871 au 1er mai 1878 était de 25 centimes pour une lettre jusqu’à 10g.

La simplification et le tarif avantageux de ces cartes postales pose vite le problème de sa tarification internationale ; en effet si, en 1875, une trentaine de pays ont adopté ce mode de correspondance il en reste donc encore beaucoup qui ne l’ont pas fait ; il convient donc de définir ce qu’est une carte postale si on ne veut pas qu’elle soit traitée dans le pays destinataire comme une lettre insuffisamment affranchie et donc taxée.

Des accords bilatéraux résolvent une partie des problèmes mais la solution passe par une réglementation plus générale. Ce sera celle mise en place par le traité de Berne du 1er juillet 1875.

En France l’arrêté du 2 octobre 1875, applicable au 26 octobre 1875, énonce les caractéristiques auxquelles doit satisfaire la carte postale, permettant ainsi à des éditeurs privés de se lancer sur ce marché.

Les documents en question doivent mesurer 8 cm de hauteur par 12 cm de largeur, peser entre 2g et 5 g. La couleur est libre, l’encadrement qui figure sur les cartes officielles n’est pas obligatoire mais le recto doit reproduire les indications de la carte officielle, enfin elle doit être vendue munie de son affranchissement qui était précisé : « Prix pour la France et l’Algérie 10 centimes pour la même ville ou la circonscription du même bureau. 15 centimes de bureau à bureau. Prix pour les pays étrangers avec lesquels l’échange est autorisé : 15 ou  20 centimes suivant la destination ».

Avant de revenir au traité de Berne il convient de noter -et nous garderons cette terminologie- que - n’en déplaise aux cartophiles qui n’ont d’yeux que pour l’illustration- pour l’administration postale le recto est le côté de la suscription, le verso celui de la correspondance qui devra encore attendre quelques décennies pour devenir celui de l’illustration.

Avant 1875, en dehors des accords  bilatéraux évoqués ci-dessus, la seule solution pour l’usager désirant expédier-sans risque- une carte postale dans un pays étranger restait de l’affranchir au tarif de la lettre simple.

2  LE TRAITE DE BERNE (1er janvier 1876/31 mars1879)
Il devenait urgent de traiter cette question et ce fut donc l’objet du traité de Berne signé le 1er juillet 1875 qui prit effet le 1er janvier 1876. Seule la France a eu une prise d’effet différée (pour les autres pays la prise d’effet a été au 1er juillet) le délégué français n’ayant pas pu signer le texte à l’issue du congrès, estimant devoir être couvert par une ratification de l’Assemblée Nationale.

C’est la raison pour laquelle les cartes postales françaises n’ont été admises –affranchies au tarif réduit-, en règle générale, que dans le régime intérieur avant cette date.

Que dit le traité de Berne?
Premièrement quelque chose qui ne nous arrange pas puisque la carte postale n’existe pas, il faut l’appeler officiellement « carte-correspondance » ; il convient toutefois de préciser que les cartes utilisées en France même après l’entrée en vigueur du traité peuvent continuer à porter la mention « carte –postale ».

Elle n’est pas d’usage obligatoire, chaque pays restant maître de l’introduire ou pas  dans son pays mais il a « l’obligation de transporter soit en transit, soit à l’arrivée les cartes – correspondance émanant d’un autre État de l’Union »

Le tarif est avantageux, il est fixé à la moitié de celle de la lettre, avec faculté d’arrondir les fractions.

Le paragraphe 43 du traité précise que le « verso est réservé aux mentions manuscrites ou imprimées qu’il peut convenir à l’expéditeur d’y faire figurer, sans restriction aucune ». La porte est donc ouverte à l’imagination des expéditeurs.

L’initiative la plus connue est la carte éditée par la Société de la Tour Eiffel à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1889, illustré par Léon-Charles Libonis et tirée à 300 000 exemplaires. (ill. 5)

L’histoire rapporte qu’elle fut suivie par celle d’un employé de commerce marseillais Dominique PIAZZA (1860-1941) qui, en août 1891, aurait trouvé la solution pour réduire des clichés et en faire tenir 3 sur un format de carte postale et les envoyer à découvert à un ami en Amérique.

La suite appartient à la grande histoire de la carte postale avec ses imprimeurs et éditeurs de renom comme Neurdein à Paris , Royer à Nancy ou encore Giletta à Nice sans oublier Bergeret, également de Nancy.

La carte postale change alors de statut et passe d’objet postal à tarif réduit à outil de promotion et de communication.

Pendant tout ce temps les caractéristiques et la tarification de la carte postale n’ont cessé d’évoluer.

Pour la tarification, qui reste un sujet complexe, notamment quand il s’agit de tarification dans le régime international nous ne pouvons que recommander la lecture du très riche opuscule de M Guy Prugnon « Conditionnement, traitement et taxation de la carte postale dans le régime général international (1876/1921) » publié aux Editions Timbropresse.
 

Pour ne pas alourdir ce texte déjà dense j’ai mis en annexe un tableau récapitulant la taxation des cartes postales en régime intérieur et international de 1873 à aujourd’hui telle que j’ai pu la reconstituer.

La tarification à 5 centimes étant réservée aux cartes postales avec 5 mots maximum (sans anticiper, cette particularité des 5 mots sera supprimée en 1964) on peut trouver des cartes postales où la mention « carte postale » est rayée et remplacée par la mention manuscrite « Imprimé » (ill. 6)  permettant de profiter de ce tarif pour les cartes postales; pour mémoire le tarif (premier échelon de poids) des imprimés est en 1900 de 1centime. On voit en effet relativement fréquemment des cartes postales affranchies à 1 centime. Plus rarement on peut même rencontrer  des cartes postales qui sont envoyées sous bande, comme un journal. (ill.7)

Selon la vigilance ou le zèle des postiers ces cartes ont pu être distribuées en l’état ou être taxées car l’imprimé a également des caractéristiques auxquelles la pseudo carte postale doit alors satisfaire.

Il est relativement fréquent que l’usager « tente » le tarif 5 mots alors que sa correspondance en contient plus ; son envoi est alors normalement taxé (ill. 8)

Certains éditeurs, soucieux d’une bonne information des usagers, rappellent la tarification en vigueur à l’emplacement prévu pour l’affranchissement (ill. 9).

 
3  LA CONVENTION DE PARIS (1er avril 1879/31 mars 1886)
Il est décidé  lors de cette convention de remplacer le terme de « carte-correspondance » par celui de « carte postale » ; le recto des cartes postales doit toujours être réservé à la seule adresse ; la carte postale change de format maximum passant de 8cm x 12cm à 9cm x 14cm.

Dans les mentions imprimées il est recommandé de mentionner « Union Postale Universelle » suivi du nom du pays d’origine et lorsque cette mention n’est pas en français de la dupliquer en français.

Seules sont admises dans les échanges internationaux les cartes postales émises par les administrations postales ; les cartes postales émanant de « l’industrie privée … doivent être rendues aux expéditeurs ou versées en rebut »

Les cartes postales non affranchies ne sont pas acheminées ; celles insuffisamment affranchies le sont mais sont soumises à une taxe égale au double du montant de l’insuffisance d’affranchissement. Elles doivent en outre recevoir l’empreinte  du timbre T et l’indication en chiffres noirs et en francs et centimes du montant de l’insuffisance d’affranchissement.

La convention de Paris a été appliquée jusqu’au 31 mars 1886.

4  LES ACTES ADDITIONNELS DE LISBONNE (1er avril 1886/30 juin 1892)

Elle est amendée par les actes additionnels de Lisbonne.

La principale modification –pour ce qui nous concerne- est que «  le recto est réservé à l’adresse du destinataire ; mais l’expéditeur peut y ajouter son nom et son adresse au moyen d’un timbre, d’une griffe ou de tout procédé typographique »

5  LA CONVENTION DE VIENNE (1er juillet 1893/31 décembre 1898)

Les cartes postales non affranchies sont traitées comme les lettres non affranchies.

La réglementation est assouplie pour les cartes postales émanant de l’industrie privée qui seront acheminées et, si elles sont régulièrement affranchies, ne seront plus taxées à l’arrivée même si elles présentent des irrégularités de forme (omission des mots « carte postale », « côté réservé exclusivement à l’adresse » pour autant qu’elles n’aient pas été frappées du timbre T par le bureau d’origine.

6  LA CONVENTION DE WASHINGTON (1er janvier 1899/30 septembre 1907)

La mention « carte postale » imprimée ou manuscrite, ou l’équivalent de cette mention dans la langue du pays d’origine, est obligatoire au recto.

En termes de taxation il est précisé que la carte postale régulièrement conditionnée, mais non affranchie ou insuffisamment affranchie conserve son caractère de carte postale et n’est passible que d’une taxe de 20 centimes en cas de non affranchissement et du double de l’insuffisance si elle n’est que partiellement affranchie. En revanche la carte qui ne remplit pas les conditions prescrites pour l’admission au régime général (absence, au recto et en tête, de la mention « carte postale », dimensions supérieures à la norme, objet attaché..) est traitée comme une lettre et passible des taxes  qui lui sont applicables.

En mars 1901 la question du traitement des cartes postales dont la mention « carte postale » n’est pas écrit ou traduit en français est à nouveau soulevé par l’administration française et il est décidé qu’à l’avenir ces cartes postales seront traitées et qu’elles ne seront taxées que si elles ont été frappées du timbre T dans le pays d’origine.

Il est intéressant de relever qu’une note administrative liste plus de 40 pays qui, en février 1900, n’admettent pas les cartes postales émanant de l’industrie privée qui sont donc, une fois encore, à considérer comme lettre.

La possibilité « technique » de mettre des illustrations du côté correspondance s’est  traduite dans un premier temps par des illustrations qualifiées de « nuage » (ill. 10), lesquels nuages ont vite obscurci toute la surface du verso. Cela a conduit certaines administrations postales à inventer un nouveau type de cartes postales avec le recto divisé en deux parties, la moitié droite étant réservé à l’adresse et la gauche à la correspondance.

En France ce n’est qu’à dater du 1er décembre 1903 (arrêté ministériel du 18 novembre 1903) que l’administration postale autorise l’envoi par la poste de ce nouveau modèle de carte postale et encore que dans le régime intérieur.

Cependant dès mai 1904 ce type de carte est accepté dans le régime international au départ de la France pour des pays allant du Brésil au Monténégro en passant par la Russie, le Siam,  la suisse, etc.

C’est la fin des dos lignés…

Le formalisme imposé à ces nouvelles cartes est, notamment, que le recto doit être divisé, d’une manière très visible, par un ou plusieurs traits verticaux, en deux parties portant imprimées en tête pour celle de gauche le mot « Correspondance » et pour  celle de droite ou « Adresse » ou « Adresse du destinataire ». La partie droite doit être au minimum égale à la moitié du recto.

Elles doivent également mentionner, soit sous le titre « Correspondance », soit sous le titre « Carte Postale » « Tous les pays n’acceptent pas la correspondance au recto (se renseigner à la poste) »  ou toute autre mention équivalente.

L’instruction donne également des précisions sur ce qu’est un poids irrégulier (plus de 5 g ou moins de 1.5 g) et sur  ce que sont des dimensions irrégulières (plus 9cm x 14 cm ou moins 6cm x 9cm).
Comme d’habitude la sanction pour les cartes postales qui ne remplissent pas ces conditions est d’être traitées comme lettres et donc taxées le cas échéant.

Ces règles s’assouplissent néanmoins, une tolérance étant accordée jusqu’au 1er août 1904 pour faire figurer la mention « Tous les pays n’acceptent pas la correspondance au recto (se renseigner à la poste) ».

Dans le même ordre d’idée en juin 1905 l’administration postale recommande à ces agents de faire preuve de tolérance lorsque la correspondance empiète sur la partie adresse lorsque cela ne nuit pas à la clarté de l’adresse. En août 1905 l’administration demande de ne pas taxer les cartes qui ne portent pas les mentions « Correspondance, Adresse et Tous les pays n’acceptent pas la correspondance au recto (se renseigner à la poste » lorsque la partie réservée à l’adresse occupe bien au moins la moitié du recto.

La position du timbre sur la carte postale, normalement au recto, est traitée par l’arrêté du 22 mars 1902 qui rappelle que le timbre peut être au verso dans le régime intérieur mais pas dans le régime international, la carte pouvant alors être taxée.
Cette règle s’est progressivement assouplie des accords ayant été trouvés avec un certain nombre de pays pour éviter cette taxation.

7  LA CONVENTION DE ROME (1er octobre 1907/31 mars 1921)

La mention « Carte postale » n’est plus obligatoire.

Les dimensions minimales changent passant de 6cm x 9cm à 7cm x 10cm…

Les cartes postales peuvent être affranchies au verso et contenir la correspondance dans la moitié gauche du recto.

Les cartes portant la mention « Carte postale » ne sont plus, dans le régime international, exclues du tarif des imprimés si elles en remplissent les conditions générales d’admission, de fait « ne peuvent être expédiés à la taxe réduite les imprimés qui portent des signes quelconques susceptibles de constituer un langage conventionnel,  ni … ceux dont le texte a été modifié après tirage ».

Ce même règlement d’exécution de la convention de Rome prévoit sur ce point qu’à titre d’exception il est permis « d’ajouter à la main sur les cartes de visite imprimées ainsi que sur les cartes de noël et de Nouvel-An l’adresse de l’expéditeur, son titre, ainsi que des souhaits , félicitations, remerciements, compliments de condoléances ou autres formules de politesse exprimées en cinq mots au maximum ou au moyen d’initiales conventionnelles »

Voilà de façon quelque peu désordonnée différentes informations nous permettant de mieux comprendre nos cartes postales et surtout leur recto qui est quelquefois source d’interrogation.

Outre l’ouvrage cité dans le corps du texte j’ai puisé mes sources dans différents numéros de Timbre Magazine, et dans quelques sites internet en ne sachant pas quel  est le site « source » tellement il y a de duplications d’un site à l’autre par simple copier-coller (www.cartolis.org, www.cartophile-viroflay.org, albicol,pagesperso-orange.fr et wikipedia).

Pour l’annexe tarification j’ai largement utilisé le catalogue France des Editions Maury, Cérès et Dallay ainsi que le site de la Poste (onglet adressemusée).
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